Je me suis promenée samedi après-midi, dans la pluie, avec quelques individus passionnés qui voulaient a tout prix, malgré ce mauvais temps, visiter les artistes du Symposium. Ceux-ci, étaient tous présents, vêtus de chapeau, de bottes, d’imperméables et parfois même de sacs de poubelle. Ils s’acharnaient à leur travail, mais s’arrêtaient pour accueillir les visiteurs et répondre à leurs questions.
Danyèle Alain, une artiste habitant au Québec, à Roxton-Pond en Montérigie, nous a gentiment accueillis, tous les 5… et puis 6 et puis 7, dans sa petite roulotte. Cette demeure est pour elle un lieu de rencontre et d’échange et abrite depuis 2000, le projet Filia.
En entrant dans la roulotte, on aperçoit d’abord un comptoir de production et une toute petite cuisine, de l’autre coté, une table avec deux banquettes et un étagère avec une télévision et quelques livres bien choisis sur l’herboristerie surtout. Elle nous propose chacun une place autour de la petite table, et nous explique que le filia est une bactérie lactique avec lequel on peut cuisiner, faire du yogourt, etc. Cette bactérie peut se gâcher si on n’est pas vigilant, c’est pourquoi il est important de la donner à de nombreux individus afin qu’elle se propage et qu’elle puisse nous revenir. D’ailleurs, Alain nous annonce par après que c’est malheureusement le cas avec son filia, alors elle ne peut pas nous en offrir. En échange du petit pot étiquetté, elle demande le prénom de la mère de la personne qui en reçoit. À notre départ ont lui donne quand même les prénoms de notre mère en échange pour nous avoir accueillis dans sa roulotte et pour ses histoires. Elle nous explique que ces noms de femmes seront ensuite fixés, avec les autres, en vinyle blanc sur l’extérieur de la petite roulotte qui rappelle la forme d’un œuf.
Sur le site du Symposium, Allain a installé trois cadres en bois dans lesquels elle a semé des graines de blé. Elle compte en offrir aux visiteurs en forme de jus au cours des prochains jours. Par la suite, elle cueillera des échantillons de semences indigènes, afin de les réintroduire de manière symbolique dans le parc écologique, par après, elle les transformera en infusions et elixirs pour les visiteurs. Elle nous révèle qu’elle a traité ses deux filles par la voie de l’herboristerie et se compte chanceuse d’avoir une fameuse herboriste comme meilleure amie et marraine de sa fille.
Les plans de graines de blé de Danyèle Allain sont situés un peu partout dans le parc. Un d’eux, celui qui est le plus éloigné du site ou elle travaille, se situe au bas de la colline, pas très loin du site où travaille Jean-Denis Boudreau. La première chose qu’on aperçoit, en s’approchant du site de Boudreau est une immense roulotte qui n’a rien de naturelle et qui est tout le contraire de la petite roulotte du projet Filia. Monté sur un quatre roues (véhicule tout-terrain), et armé d’un fusil à boules de peinture chargé de cartouches de graines (un mélange de guimauves, de sucre à glacé, d’engrais et de graines variées), l’artiste sème lui aussi le site du parc écologique. Un soldat qui s’affaire à son devoir, puisqu’il n’a pas le choix de faire autrement, soit dicté par la nature… ou plutôt par sa propre vertu. Il dit par cette action porter réflexion sur l’être qui est soumit à son devoir et qui comme un soldat s’actionne afin d’accomplir ses tâches quotidiennes. Il plante des graines, sans certitude qu’elles vont pousser avec un équipement qui nuit à l’environnement. Il s’agit d’une réflexion sur l’état même des choses. Sur ce qui se fait actuellement, malgré notre conscience écologique.
Une première artiste qui sème la terre de ses mains, qui transforme ce qu’elle lui prend en potion guérisseuse, pour ensuite lui redonner ce qu’elle a prit. Posant ainsi un geste symbolique et à la fois écologique en symbiose avec la terre.
Un deuxième artiste qui sème cette même terre avec une arme, en faisant ainsi sa conquête. Il l’a crible de projectiles contenant des parts d’elle-même, et utilise des outils et de la machinerie qui l’a blesse. Ce geste contradictoire questionne la réalité des choses au niveau de l’individu mais surtout au niveau de la société.
Ces deux artistes, qui n’ont jamais eu l’intention de créer cet effet, m’ont fait vivre ensemble en descendant la colline une part d’histoire de l’humanité. De l’harmonie primaire de l’être avec la terre, à la conquête de cette même terre, au contrôle et à l’abus de celle-ci.